Il continuait à être entre ses bras, soupirant de ne pas comprendre tout ce qu'il s'était passé dans sa vie. Qu'aurait donner Amy au final pour tout oublier de sa triste vie d'autrefois ? Dire qu'elle aurait pu être si belle au final. Si seulement elle n'avait pas été aussi malade...si elle s'était concentrée sur son travail et sa famille au lieu de passer toute sa frustration dans le corps d'un mâle au hasard. Ses choix n'avaient pas même été mendié par l'amour passionnel pour un autre qu'elle aurait rencontré bien trop tard. Oh que non. Car l'unique véritable amour qu'elle avait éprouvé n'était autre que celui avec lequel elle s'est marié. Cet homme qu'elle a eut la chance de rencontrer mais qu'elle ne méritait pas au final. Car il était trop doux, trop gentil. D'un naturel magnifique...et qu'on ne vienne pas dire qu'il avait des mauvais côtés en ayant trahi Harry. Parce que l'importance n'est que moindre, qui se ne moque pas de lui, la chose de bien c'est qu'il l'ait trahi avec elle. Et qu'il ait finalement uni sa vie avec la sienne. Comment cela, aucune objectivité ? Comment cela, du remplissage qui n'a aucun rapport ? Que voulez-vous que je vous dise...ici, Amy n'avait que sa peau glacée pour caresser la joue de Felix, laissant de tendres larmes couler à toutes les pensées qui pouvaient la traverser.

Moi aussi...moi aussi Felix...

Entre ses bras, elle oubliait tout. Jamais son mal de ventre incessant, mais elle oubliait tous les autres êtres de l'univers. Plus rien n'avait d'importance tant qu'il était auprès de lui. La mort comme la vie. L'existence et toutes ces questions universelles, rien du tout. Il n'y avait que lui, Felix. Sa beauté et sa gentillesse qui n'avait aucune ombre. Du moins pas avant qu'il devienne cet étrange chose à doubles tranchants. Amy s'amusa l'espace d'une seconde à imaginer que cette autre facette aurait pu amener un peu plus de violence dans leurs jeux sexuelles. Puis, songeant plus longuement aux paroles précédentes de Felix, elle sourit :

Je suis certaine qu'Emma n'est pas morte...c'est une vraie teigne, elle survivra quoiqu'il arrive...

Sur ces paroles, elle essaya d'émettre un petit rire. Elle aussi, elle tentait de faire un peu d'humour dans cette sombre spirale infernal qu'était la mort. Puis elle poussa un petit gémissement, et quitta l'une des joues de Felix pour masser son ventre. Non, pas son bas-ventre, son ventre. Mais elle ne quitta pas Felix des yeux et ne se départit pas de son sourire.

Felix était toujours assis à côté d'elle, profitant de sa présence jusqu'au moment où ils auraient encore besoin de se séparer parce que la douleur d'être dans deux dimensions, deux univers différents deviendra trop insupportable. Car oui, la chose qu'il voulait le plus, c'était de prendre son épouse dans ses bras, caresser ses cheveux tendrement, l'embrasser sur le front pour la rassurer même si elle avait une force de caractère indéniable… Bien que cela ait parfois joué en sa défaveur. Ce fut alors au tour de son épouse d'essayer de le consoler en disant qu'Emma était elle aussi coriace et sûrement vivante entre ces murs. Il tenta de sourire avec amusement, se rappelant de la forte tête qu'était sa fille. Son regard devint ensuite plus triste, beaucoup plus triste. L'enfant lui manquait affreusement. Sa vie d'avant, bien qu'extrêmement imparfaite, aussi. S'il n'avait pas encore réalisé que son épouse était décédée, le fait qu'ils ne puissent se toucher dans des moments si sombres lui faisait prendre conscience de la dure réalité. Il soupira en fermant les yeux et posa sa main sur ceux-ci, essayant de pas fondre en larmes en repensant que jamais plus, il n'irait dans les bras de son épouse. Jamais plus, il ne s'endormirait avec ses cheveux qui lui chatouillaient doucement le nez. Jamais plus, il ne verrait son sourire endormi le matin au milieu des draps. Jamais plus, il ne la serrait dans ses bras en rentrant du travail. Il repensa à ce qu'elle lui avait dit lors de la rencontre à la morgue. Qu'il devait rester en vie pour sortir et se remarier, vivre heureux mais en y repensant, jamais il ne serait capable d'aimer quelqu'un comme il le faisait pour Amy. C'était elle qu'il avait épousé et c'était pour une bonne raison. Et peu importe les défauts de son aimée, il l'aimerait jusqu'à la mort, et même au-delà. "Jusqu'à ce que la mort vous sépare." Non, même celle-ci ne pouvait les séparer puisqu'ils étaient là, ensembles, ne pouvant se toucher certes, mais pouvant se perdre dans le regard aimant de l'autre.

Felix regarda Amy enlever sa main de sa joue pour se masser le ventre. Il ne savait pas que les défunts pouvaient ressentir encore de la douleur. Il ne le savait pas parce que pour lui, ce n'était pas logique. Le corps étant mort, il ne restait plus qu'une entité gazeuse dont tous les liens nerveux étaient restés dans le cadavre à la morgue. D'ailleurs, il se demanda même si le cœur des fantômes battait ou s'ils avaient besoin de respirer, manger, dormir. Mais là n'était pas vraiment la question. Il la regarda avec inquiétude malgré le sourire qu'elle lui offrait. Il voulut passer une main au-dessus de son ventre en souffrance mais passa évidemment au travers. Il soupira doucement, ne sachant trop quoi faire pour l'aider à se sentir mieux. Il espérait juste que la douleur ne soit pas trop violente. Il ne lui demanda même pas si ça allait, cela aurait été inutile. Il se contenta de lui sourire tendrement et tristement.

- Je peux faire quelque chose pour toi, mon cœur…? Tu as encore tes règles même en étant… ainsi ?

Les mouvements d'ardeur de son ventre se tassèrent pendant quelques secondes. Elle n'ignorait pas ces symptomes qui la prenaient avec horreur toutes les heures. Ce n'était pas comme si elle n'en avait pas déjà eu deux. Mais maintenant...elle était un fantôme. Il était un humain. Comment une telle chose a pu se produire. Comment ? Comment avait-elle pu faire semblant de toucher Erwan et en être incapable avec son propre mari ? Elle l'ignorait. La pauvre était entre la haine d'être morte, l'envie de le rejeter bien loin d'elle et en même temps tout l'amour qu'elle avait pour lui. Tout ceci tournait dans sa tête sans que l'on puisse en déterminer les moindres notes. Le pourquoi du comment était désormais bien loin et la seule chose qu'elle désirait en réalité, c'était mourir. Mais véritablement. Elle n'était pas morte, c'est faux. Si elle avait été morte, elle serait partie. Réellement. Elle ne serait pas devenue ce genre de sous-humaine dont elle portait à présent les marques. Caressant une joue à son mari, elle soupira. Etrangement, elle ne se sentait pas de mauvais poils pour une fois. Le fait de s'être faite prendre l'avait calmé. Comme toutes les fois où elle avait été cruellement en manque. Comme toutes les fois, toujours.

Non...je n'ai plus de règle...mais...mais je crois que je suis enceinte...

Elle baissa la tête, comprenant ce que cela voulait dire pour son mari. Mais elle avait été en manque depuis trop longtemps. Jamais cependant il ne pourrait le comprendre. Jamais il n'a sut qu'elle était malade. Amy avait trop honte pour que cela soit avouer. Elle tenta de prendre une main de Felix à la manière humaine mais le traversa. Des larmes en vinrent sur ses yeux. Elle avait envie de lui, tellement, mais tellement. Elle lui prit alors la main comme une caresse, de la manière la plus fantômatique possible.

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé...cet humain, j'ai pu le toucher...à moins que cela n'ait été que psychologique...

Elle mit une main sur son ventre, gémisssant encore un peu de douleur. Elle n'aurait pas du non. Jamais elle n'aurait du. Tout ceci n'avait été que de sa faute. Lui qui était si pure, si doux. Et elle qui était la dernière des horreurs. La dernière des salopes dans les rues de Londres, déportée comme une prostitué que l'on objecte pour aller jusque dans les murs de cet horrible manoir. Elle soupira doucement et voulu se rapprocher davantage de Felix, de son corps et de sa tendre chaleur humaine. Si seulement...si seulement elle avait pu s'ouvrir à son mari. Abandonner la honte et ne garder que la confiance.

Felix regarda son épouse avouer qu’elle était peut-être enceinte. Il baissa le regard en soupirant tristement, ne se posant même pas la question si cela était possible ou pas. Ayant perdu toute notion du temps et complètement perdu entre ces murs, il ignorait de qui pouvait être l’enfant et comment il a été conçu, etc. Mais Amy répondit partiellement à sa question silencieuse. L’enfant avait été fait récemment, avec un “vivant“ bien qu’elle garda le nom du père sous silence. Après tout, Felix s’en moquait légèrement. Non pas par jalousie, mais plus par lassitude. Las que toute sa vie ne soit plus qu’un cauchemar vivant auquel se rajoutait calamités sur calamités. Est-ce qu’il lui en voulait d’avoir été cocu pendant toutes ces années ? Non. Elle était malade et il le savait. Il ne se rappelait plus de la façon dont il l’avait appris mais il s’en souvenait et ne lui avait jamais dit. Quoiqu’il en soit, peu de choses lui importaient maintenant. Il sentit sa femme caresser sa main et se rapprocher de lui. Il soupira tristement. Il se moquait de tout ce qu’elle avait pu ou pouvait encore lui infliger. Dans l’instant présent, il voulait juste être vraiment à côté d’elle, la toucher concrètement, la serrer dans ses bras, l’embrasser. Il la regarda et lui sourit.

- Ce n’est pas grave, ne t’en fais pas… J’espère juste que ça va aller pour toi…

Vu qu’il ne pourrait pas la masser quand elle aurait des courbatures, qu’il ne pourrait la caresser pour l’aider à se sentir mieux, pour l’aider à supporter ce poids qu’elle aurait dans quelques mois… Il baissa de nouveau et tristement la tête. Felix ne sut si le pire était de l’avoir à ses côtés, sans pouvoir la toucher ou de la savoir loin de lui, hors de son champ de vision. Des larmes de fatigue lui vinrent aux yeux, tandis qu’il regardait videment devant lui.

- J’aimerais m’endormir pour ne pas me réveiller… Je suis fatigué de toute cette merde, fatigué de lutter pour survivre dans un endroit qui baigne dans l’horreur chaque jour… Je voudrais mourir pour me réveiller près de toi, te toucher de nouveau, te prendre dans mes bras… Tu me manques, Amy. Tu me manques affreusement. Et je n’ai plus la force ni la volonté de continuer à me battre pour trouver un sens et une solution à tout ceci…

Il la regarda, les yeux de plus en plus humides et presque suppliants.

- J’ai besoin de toi, mon ange… Je ne pourrais vivre plus longtemps sans toi. Malgré… tout ce qu’il s’est passé entre nous, nos problèmes, etc, tu es la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie. Je t’ai aimé et je t’aime toujours. Et même si les pires rumeurs courraient sur nous… j’ai toujours été fier de toi… J’ai toujours été fier de t’avoir épousée.

Il la regarda quelques instants dans les yeux avant de passer une main sur sa joue et de poser ses lèvres là où étaient plus ou moins celles d’Amy. Une larme roula sur sa joue sale tandis qu’il eut l’impression de ressentir le contact de son épouse aussi bien dans sa paume que sur sa bouche. Mais ce n’était pas l’étrange sensation de fraiche humidité que laissait d’habitude son état fantomatique sur sa peau. C’était quelque chose de beaucoup plus… solide. Puis rapidement, une intense chaleur vint déranger leur baiser. Une intense chaleur qui devint rapidement une cuisante brûlure insupportable qui les obligea à desceller leurs lèvres.

L'entendre dire que ce n'était pas grave qu'elle soit enceinte. C'était tellement inatendu pour Amy qui ne sut quoi répondre sur le coup. Elle le regarda avec de grands yeux, ne se rendant pas même compte qu'il ne l'avait ni engueulé ni n'avait fait la moindre réflexion étrange. Quel étrange relation que des époux que tout avait opposé tout en étant toujours fou amoureux l'une de l'autre. Amy soupira doucement, voilà maintenant depuis qu'elle l'avait retrouvé dans ce manoir qu'elle avait essayé de se convaincre qu'elle ne devait pas être amoureuse de lui à nouveau, qu'il n'y avait absolument rien à gagner à être amoureux d'un vivant. Et pourtant, la voilà enceinte d'un autre vivant. Cet amour était donc peut-être possible après tout...Il fallait réfléchir. Voir un peu à tout ce qui pouvait être possible de faire. Je ne pensais pas réellement que cela pouvait être possible. Mais voyez. Amy nous prouve le contraire à chaque instant. Son cœur se fit un peu plus serré, songeant à tout ce qu'elle avait fait. Elle se blottit par son imaginaire dans le creux du cou de son mari. Tellement longtemps qu'elle n'avait gouté à cette sensation de sécurité qu'il avait pu lui offrir durant le temps passé. Mariés jusqu'à ce que la mort les sépare.

S'écartant un peu de son visage, les larmes furent visible sur son regard d'une profondeur sans fond. Amy voulut  retourner vers lui, mais il ne s'était en fait écarter que pour mieux la regarder. Plongeant son regard dans celui presque inexistant d'Amy de par sa transparence, il se lança dans une délicieuse répartie. Un monologue transpirant d'amour mais qui ne put que percer telle une flèche le cœur de la nymphomane. Amy ne sut quoi répondre et ne parvint pas à arrêter Felix pour lui dire de se taire. De se taire car ses paroles lui rappellaient si cruellement qu'elle s'était tuer et qu'elle avait abandonné son mari et toute sa famille pour suivre un ideal qu'elle ne savait pas déjà posséder. Et puis tant pis si les mots sont impossibles à dire. Ou à comprendre. Qu'importe que leurs secrets ne restent que pour toujours dans l'écrin impossible des songes. Amy passa une main sur la joue de Felix, souriante malgré les larmes qui coulaient sur ses joues. Mais c'est alors qu'un doux baiser vint interrompre tout ce qui aurait pu se passer. Un délicieux baiser, sur les lèvres de son mari. Elle crut mourir à nouveau, mais cette fois-ci de bonheur, aimant plus que tout ce contact qui lui donnait l'impression d'être vivante. Réellement vivante.

Mais ce bonheur fut de courte durée car bientôt, la brûlure. L'implacable brûlure qui sépare les vivants des morts, revint pour les abimer en leur cœur. Amy soupira doucement quand leur baiser fut arrêter, puis sourit malgré ses larmes :

Comment je peux répondre à quelque chose comme ça.. ? C'est si beau...je suis tellement fière d'avoir un mari comme toi...capable de me supporter quoiqu'il arrive alors que je n'ai jamais été qu'une imbécile...si tu savais...si tu savais combien je t'aime...je n'ai jamais voulu partir...je l'ai cru...mais c'était faux...et cela a causé notre perte...comment pourrais-tu me pardonner pareilles horreurs... ?

Elle baissa la tête et caressa son ventre avant de regarder Felix, se mordant la lèvre, les larmes dans les yeux, encore et toujours :

J'aurai tellement voulu que ce soit le tien...mais pourquoi sommes-nous condamnés à souffrir pour nous toucher...est-ce que c'est une malédiction pour tout le mal que je t'ai fait... ?

Felix regarda les larmes de son épouse avec tristesse. Il aurait voulu passer la paume de sa main sur sa joue pour les essuyer doucement. Il aurait voulu lui dire de ne pas s’inquiéter, que tout irait bien. Il voulut lui dire qu’il était là, maintenant. Mais rien de tout cela n’était possible. Il ne pouvait pas la toucher, il ne pouvait que la voir, lui parler, l’entendre. Il devait peut-être s'estimer heureux d'avoir quand cela avec son épouse. Certes, ce n'était peut-être pas si facile comme situation de couple mais au moins, Amy n'avait pas complètement disparu. Oui, c'était mieux que rien. Cette apparence fantomatique lui donnait l'aveugle espoir que les choses s'arrangeront un jour. Que les choses reviendront comme elles étaient avant. Il soupira tristement tout en écoutant son épouse. Il releva la tête et lui sourit tendrement, regardant dans ses yeux clairs, bien que transparent. Comment pouvait-il la pardonner pour tout ce qu'elle leur avait fait ? Et bien il l'ignorait. Mais elle était déjà pardonnée. Oui, beaucoup de maris l'auraient déjà insulté de tous les noms, l'auraient jeté dehors à cause de ses infidélités à la chaîne mais… ces maris-là ne l'auraient pas méritée. Cette femme était ce qu'il avait de plus précieux.

Elle parla ensuite de l'enfant. Felix jeta un regard au ventre de son épouse et eut un petit sourire triste mais nullement agacé. Il n'eut le temps de l'interrompre qu'elle enchaîna sur cette sorte de punition dont ils étaient victimes. Ils ne pouvaient pas se toucher sans se brûler, certes. Mais était-ce là vraiment une punition ou l'extrême séparation des vivants aux morts ? Car, dans l'ordre naturel des choses, Amy devrait être à la morgue, se putréfiant lentement dans sa robe rouge qui semblait avoir perdue de sa splendeur quand il l'avait vue sur la dépouille. Mais là, sa défunte épouse pouvait interagir avec lui un minimum. Il la regarda dans les yeux et lui sourit.

- Ce n'est pas très grave mon amour, je peux encore entendre ta voix et voir tes yeux, ce n'est pas si mal que cela.

Il regarda de nouveau le ventre de son épouse.

- Et ne t'en fais pas… Cet enfant portera le nom Adler, si tu le veux bien… On trouvera un moyen avec lui, ne t'en fais pas.

Il lui sourit avant de repenser au fait que l'enfant serait mort avant d'être né et qu'il serait probablement déjà fantôme ce qui risque d'être légèrement compliqué pour son éducation… Enfin, comme il avait dit, ils trouveraient un moyen. Il la regarda de nouveau dans les yeux.

- Et je me fiche de savoir comment je puisse te pardonner… La vérité est que je l'ai déjà fait depuis longtemps. Je ne t'en veux pas mon cœur. J'ai toujours essayé de faire de mon mieux avec toi mais je n'aurai pas dû fermer les yeux sur… ta maladie… Je n'aurai pas dû te laisser dans ce secret qui, je comprends parfaitement, te rendait malheureuse. Je pensais que tu viendrais m'en parler le moment venu mais… Mais j'ai été stupide. Et j'ai fermé les yeux… Désolé mon amour… C'est de ma faute…

Il la regardait bien dans les yeux, mieux que n'aurait jamais pu l'espérer Amy qui se plongea dans ce même regard. Qu'importe ce que pouvait bien dire les autres et le destin, les Adler resteraient toujours unis. Même après la Mort. Et si le fait de se retrouver chacun dans les Limbes fantômatiques leur permettrait de trouver le repos éternel ? Amy ne savait pas, et de toute façon, elle n'avait aucune idée de comment le savoir. Trop de choses, trop de vide dans son existence qui au final ne faisait que la soumettre à des pensées qui n'avaient pas lieu d'être. Elle était excitée à l'idée que son mari puisse enfin la toucher, étant aussi fantôme qu'elle. Mais elle en était également terrifiée. Car il faudrait pour cela que son mari meure. Et Amy se refusait à ce que Felix souffre davantage dans cet univers de pur folie. Mais en cette seconde, il était toujours là, à la regarder comme si elle était son bien le plus précieux, et c'était tout ce qui importait à Amy. Ses paroles la firent sourire de bonheur :

Oui...oui, j'aimerai qu'il porte le nom d'Adler...après tout...après tout c'est également mon nom...

Si l'on en restait aux lois religieuses, alors non. Elle ne s'appelait plus Adler. Elle ne s'appelait désormais plus que Carter, de son nom de jeune fille. Quel nom serait marqué sur sa tombe ? Si jamais tombe il y peut y avoir pour elle à Londres. Est-ce que ses parents ont fini par perdre espoir sur le fait qu'elle puisse être vivante et qu'elle puisse rentrer à la maison ? Ses parents étaient-ils même encore vivant ? Tant de réponses qu'elle n'aurait probablement jamais, étant bloqué ici en tant qu'esprit. Il était connu dans le folkrore universel qu'un fantôme restait lié aux lieux qui l'avaient vu mourir, usant alors de ses pouvoirs pour le hanter jusqu'à tout jamais. Pourquoi ? Se venger ? Est-ce tout fantôme n'était possédé que par la vengeance ? Amy avait cru qu'en mourrant, elle pourrait payer toutes les fautes qu'elle avait commise. Qu'elle pourrait peut-être revenir, certes, en tant que fantôme pour mieux atteindre le maître des lieux. Et lui faire payer. Mais comment ? Car elle n'était qu'ectoplasme. Tout ceci était stupide. Elle était stupide et ridicule. Malgré tout cela, elle avait encore le meilleur mari au monde entier, et ses paroles qu'il lui déclama le lui rappela sans attendre. Elle passa une main fantômatique sur le bord de sa joue, souriante d'un bonheur tout relatif. Elle l'aimait. Plus que tout au monde.

Comment cela pourrait être de ta faute... ? C'est moi qui aurait du parler...qui aurait du te l'avouer...mais j'avais tellement honte de moi, j'avais peur que tu crois que ce n'était qu'une excuse pour voir ailleurs...ou pire...que tu me croies folle. Je ne voulais pas que tu m'envoies à l'asile...avec d'autres hystériques ou nymphomanes...

Une larme coula encore sur sa joue, malgré un sourire presque forcé pour que son mari ne l'a croit pas au bord d'un nouveau suicide. Elle eut même un petit rire nerveux, ne croyant pas que tout ceci pouvait avoir réellement lieu entre eux. Etait-ce réel ?

Tant d'erreurs...la seule chose de bien que j'ai fait de ma vie, c'est de t'avoir rencontrer. Et encore...je ne sais même pas si je peux en être fière, car à cause de moi tu es ici...malheureux...toujours en danger...même si tu me pardonnes, je n'arriverai jamais à le croire...

Elle crut entendre les grognements d'un monstre non loin. D'une créature qu'elle ne saurait identifier, traînant ses pattes déformés dans un couloir informe. Elle le pensa. Mais peut-être n'était-ce qu'un rêve, comme tout ceci. Comme cette conversation. Comme son amour juste en face d'elle.

Felix regarda son épouse avec un air triste, ayant du mal à l'écouter se flageller elle-même verbalement et voir une larme rouler de nouveau sur sa joue lui brisa de nouveau le cœur. Elle dit ne pas lui avoir dit pour sa nymphomanie parce qu'elle avait peur. Peur de sa réaction et de ses conséquences. L'horloger la regarda avec un air outré (mais sans agressivité). Comment avait-elle pu penser qu'il aurait pu être capable de l'envoyer à l'asile ? Dans cet endroit où étaient concentrées toutes les pauvres âmes perdues dans une parfois violente folie ? Quel genre d'homme pouvait condamner son épouse plutôt que de l'aider en s'en sortir ? Il regardait son épouse à moitié bouche-bée, le regard indigné et secouant légèrement la tête en niant avant que son visage ne se fasse beaucoup plus tendre, plongeant ses yeux dans les siens avec une certaine tristesse. Il passa alors une main sur la joue qui n'existait plus de son épouse avant de rapidement mettre la deuxième sur l'autre côté du visage de son amour. Il la caressa doucement avec ses pouces, même s'il avait plus l'idée de brasser du vent, mais l'idée était là. Il tenta de lui sourire tendrement.

- Mon cœur, t'envoyer dans un asile est la pire trahison que j'aurai pu te faire… T'abandonner au lieu de te venir en aide aurait juste été… immonde. Tu n'as pas à avoir honte de toi, mon amour, ce n'est pas de ta faute. Et je t'aime. Je t'aime si fort… Tu es, avec Emma, la personne à laquelle je tiens le plus… Tu peux tout me dire et je te promets que j'essayerai de trouver une solution avec toi.

Il continua de lui sourire avant que son visage ne se fasse plus triste. Il retira ses mains doucement et baissa légèrement la tête. Il parlait comme si son épouse était vivante et qu'il était convaincu de pouvoir revenir chez eux et que tout rentrerait dans l'ordre. Mais Emma était perdue dans ces couloirs et elle n'était plus qu'un fantôme. Il se massa les yeux, essayant de taire cette déchirante vérité et de l'enterrer au plus profond de lui pour continuer à nourrir cet espoir fou est aveugle que tout redeviendrait à la normal. Retrouver leur quotidien, en mieux. Il releva doucement la tête et la regarda pour l'écouter reprendre la parole. Il soupira de nouveau tristement avant de dire :

- Ce n'est pas de ta faute si je suis ici…

Il s'arrêta pour écouter le grognement du Gardien sans doute dans le couloir. Il regarda la porte en soupirant avant de reporter ses yeux dans ceux d'Amy et de reprendre à voix un peu plus basse, par réflexe :

- Je ne me souviens plus de comment j'ai fait pour rentrer dans cet endroit, mais je me souviens clairement que pour une fois, il n'y avait pas de rapports avec toi… Je ne savais pas que tu étais ici… Je pensais que tu étais... avec quelqu'un d'autre… Mais vivante…

Il baissa la tête, honteux. Il se mordit nerveusement la lèvre inférieure avant de reporter son regard sur son épouse.

- Je… Je ne veux pas que tu regrettes notre mariage… Tu as fait de moi l'homme le plus heureux sur cette Terre pendant plus de dix ans… Certes, notre vie n'était pas parfaite mais tu ne sais pas tout le bonheur que j'avais quand tu t'endormais dans mes bras…

Il détourna sa tête pour se frotter l'œil. Poussière, fatigue, larme ? Sûrement la troisième possibilité. Il regarda donc Amy avec ses yeux larmoyants avant de rire nerveusement.

- Ce n'est pas des plus virils que de pleurer à cause de ce qu'on dit soi-même…

Il continua de lui sourire, l'air amusé avant de reprendre un air légèrement plus triste puis, plus déterminé.

- Amy. Je jure sur ma vie, sur Dieu, sur tout ce que tu veux, que nous dormirons de nouveau ensemble, enlacés.

Amy avait si peur du jugement de l'homme qu'elle aimait plus que tout au monde. Et savoir qu'elle avait contre elle, tout son corps, et pour elle tout son amour,  était une chose qui tournait dans sa tête comme une litanie sombre et pourtant pleine d'espoir. Ils s'aimaient malgré la mort, et c'était une des choses les plus belles qui puissent être. Même si cet amour restait à présent platonique et pourtant passionné. Amy n'avait aucun espoir de revivre. Il était impossible pour elle de revenir à l'état qu'elle avait connu, quand ses pieds nus foulaient le sol et que ses mains à la recherche de ses vêtements qu'elle perdait un peu trop souvent, son ventre réclamant le médicament qui remplirait toute son intimité. Sentir la main de son mari qui tentait vainement d'essuyer les larmes qui coulaient sur sa peau fantômatique était l'une des choses qui la comblait pourtant le plus. Comment aurait-elle pu osé en demander plus ? Elle ne comprenait pas même comment elle avait pu tomber malade. Un jour, tout allait bien. Elle aimait ce qui était physiquement intime, mais ce n'était pas une drogue. Puis un autre jour arriva et ce fut la fin. Elle en eut besoin. C'était très différent d'aimer, c'était une nécessité, plus forte encore que tout l'alcool dont elle avait pu boire pour passer son mal-être. Plus fort que tout. Plus fort même que son amour pour Felix, car elle n'avait pas pu tenir sa fidèlité. Et leur mariage. Et leur famille. Et toute sa vie.

Il lui parlait toujours, caressant sa joue, essayant de percer à travers le masque que la mort avait créer entre eux. Ses mots et sa voix étaient un délice pour Amy. C'était plus doux que tout. Elle ferma doucement les yeux en se frottant très lentement contre cette paume qu'elle avait du mal à sentir. Mais qu'importe. Rien que ses lèvres se mouvant pour lui dire des mots plus agréables que n'importe lesquelles. Il lui disait mots plus amoureux que ce qu'aurait pu inventer Cupidon lui-même. Amy pensa très souvent qu'elle ne voulait pas mourir, rien que pour lui. Mais le problème était qu'elle était déjà morte. Elle n'était plus rien. Devait-elle continuer à être rien, tout ça pour lui ?  Son âme se torturait à l'intérieur sur comment conduire le reste de sa non-existence.

Mais le bruit du Gardien augmentait à chaque secondes. Les pas étaient ici. Ici. Très près, beaucoup trop près. Si bien qu'Amy prit peur pour son mari. Elle prit ses joues à son tour entre ses habiles mais mortes mains.

Mon amour...si tu veux trouver un moyen de nous réunir pour toujours, tu dois encore rester en vie... je ferai ce que je peux pour te protéger de là où je suis...comme l'ange gardien que je n'ai jamais su être...je t'aime...de tout mon cœur, et j'aurai du te le dire plus souvent...

Elle se força de ne point pleurer, tandis que ses paumes commençaient à la brûler. Elle les écarta donc légèrement pour approcher ses lèvres pour un dernier, doux et délicat véritable baiser qui brûla leurs deux êtres.

Je vais faire diversion pour que ce Gardien ne t'attrape pas. Bonne chance mon amour...nous nous retrouverons, je te le promets.

Amy se surélèva du lit, se mettant debout puis voleta vers la porte.

Soit prudent.

Elle passa à travers la porte et fit :

Oh toi ! Viens dans ce couloir là, j'ai trouvé un Amnésique qui serait parfait pour un scientifique. Non, pas celui-là, attends un peu, je vais te montrer. Par ici, oui vers là...

Sa voix disparut dans les limbes, jusqu'à ne plus être audible.