Mes pas dans ce couloir se font de plus en plus lourd. J'ignore ce que je fais vraiment encore entre ces étages élevés parmis les plus haut dans ce domaine. Premier étage. Chambre du personnel. Quand je pense à mes premières cabrioles dans cet étrange demeure. Je venais juste d'être embauché. Si si, je vous jure que je suis venu de mon plein gré. Ce n'était que pour aider. Tandis que dans tout le pays j'avais pris une nouvelle identité, un homme d'une grande prestance avec besoin de moi pour faire en sorte que les patients qu'il avait dans ce manoir soit gracié par l'Amour du Seigneur. Une telle tâche était faite pour moi et j'étais si heureux d'avoir été choisi. Il me semblait que c'était comme un cadeau que me faisait Dieu pour que je puisse faire ce que j'avais toujours voulu faire: aider les autres. Il m'avait fallu tout de même plusieurs jours avant que je ne me rende compte de la grossière erreur que j'avais commise. Faire confiance à cette personne avait été la pire de mes méprises. Mais à présent comme depuis toujours, j'offre mon âme au Seigneur.

Car je sais qu'il me protégera, qu'il fera en sorte que je puisse un jour sortir d'ici. J'aurai toute récompense de mon dur labeur quand de tout mon amour je soignerai le coeur des braves gens se trouvant ici. Marchant doucement dans ce couloir où j'avais comme la sensation d'être quelque part où je pouvais être tranquille. Même pour les gardiens, le manoir n'était pas ce qu'il y avait de plus doux. Nous sommes attaqué par les amnésiques et les déments car ils nous prennent pour des méchants et les brutes et scientifiques s'amusent à se servir de nous comme des marionnettes. Que la vie est dure...mais je sais que c'est pour le bien de notre existence futur. Car je sais que si nous suivons les recommendations de notre Seigneur, tout ira pour le mieux.

M'avançant encore un peu dans ce petit endroit exigue, j'entends du bruit dans ma chambre. Qui est ce qui pouvait être là à cette heure-ci ? Car sombre était déjà la lumière s'échappant à travers des rideaux et des fenêtres. Doucement, je murmurai:

Athénaïs..?

Car je savais qu'elle ne me portait pas forcément dans son coeur et qu'elle était connue comme ces personnes appréciant martyrisés les gardiens. Est-ce qu'elle allait sortir de cette porte, comme un clown d'une mauvaise boite à surprise ? La peur commença doucement à entrer dans les moins parties de mes organes intérieurs. Tremblant, je pris quand même la poignée et la tournai pour me jeter dans la gueule du loup. Il fallait que je sache qui s'amusait à toucher à mes affaires pendant que je n'étais pas là. La porte s'ouvrit et quel ne fut pas ma surprise !

Rose continuait encore et toujours à explorer le manoir. D'autres l'avaient-ils fait avant elle ? Qu'importe. Pièce après pièce, couloir après couloir, elle errait dans le seul espoir de trouver une sortie ou alors le maître des lieux. Elle ne perdait pas espoir de faire entendre raison à ce « charmant » Monsieur.

Épuisée d'avoir marché sans cesse, elle avait choisi une de ses chambres par hasard. Trop fatiguée pour prendre garde à l'apparente propreté de la chambre, elle s'était mise à fouiner dans les placards et commodes afin de trouver des choses utiles. Depuis qu'elle avait trouvé – et raccommodé- une vielle sacoche, la jeune femme prenait le temps de constituer ce qui s'apparentait à une trousse de secours. Le sac contenait également un peu de pain rassit, une bouteille de Laudanum, quelques bougies ainsi que ses propres notes … Rien de bien précieux et pourtant cela avait énormément de valeur dans un endroit tel qu'ici.

L'ex-infirmière tomba alors sur une chemise propre et sourit. Elle allait enfin pouvoir quitter ses vêtements dégoûtants en attendant de pouvoir laver les siens. Enfin laver … au moins les rincer. La jeune femme n'avait toujours pas trouvé de savon. Peut être qu'en retournant dans la cuisine … ?

Doucement, Rose déboutonna les boutons de son chemisier qu'elle laissa tomber à terre. C'est à ce moment précis qu'elle entendit un murmure derrière la porte. Paniquée, elle prit le morceau de bois qui trainait à ses côtés et le brandit le plus vaillamment qu'elle put face à l'envahisseur. Son bras tremblait et elle osait même pas ouvrir les yeux sur la silhouette qui venait d'apparaître dans l'embrasure de la porte.

Comme rien ne se passait, l'amnésique se décida à ouvrir un oeil et la surprise ainsi que le soulagement se lut sur son visage :

« Jonathan ! Je veux dire mon père … Je suis heureuse de vous voir ! »

Se rendant soudainement compte de la tenue dans laquelle elle se présentait, ses joues virèrent au rouge alors qu'elle se tournait et enfilait prestement la nouvelle chemise qu'elle boutonna. Réalisant soudainement que cette chambre appartenait peut être à l'homme de foi, elle bafouilla :

« Oh … Je suis désolée … Cette pièce vous appartient-elle ? Je cherchais des vêtements un peu plus propres ainsi que des affaires qui pourraient m'aider à soigner les habitants du manoir … c'est la seule chose que je puis faire … Mais loin de moi l'idée de fouiller dans vos affaires ... »

La jeune femme se sentait obliger de meubler le silence gênant qui régnait. Se montrer dans une tenue aussi indécente et fouiller dans les affaires du Père … Que c'était gênant !
Une fois rhabillée, elle se tourna vers l'homme et lui sourit timidement.

S'il n'avait tenu qu'à Jonathan d'être blanc comme un linge en entrant dans sa propre chambre, il devint aussitôt rouge de gêne en voyant le spectacle qu'il avait devant lui. Une jeune femme, dont le haut n'était qu'en sous-vêtement, était en train de revêtir une de ses chemises à lui. Non qu'il en usait beaucoup, mais c'était toujours agréable d'avoir un autre vêtement en dessous de sa soutane. On n'était jamais trop prudent ici. Cependant, je m'égare. La demoiselle qu'il reconnut comme étant Rose, l'une des femmes avec qui il avait déjà été enfermé et dont il avait essayé de soigner la jambe. Celle-ci ne le reconnut pas aussi vite et brandit un bout de bois vers lui.

Soudainement effrayé de cette grotesque situation, il recula d'un pas et serrant la Bible contre son torse, il détourna rapidement le regard. Le choc de cette vision lui coupa la respiration, ce qui le fit quelque peu tousser. Oui, ce n'était pourtant que le corps d'une femme comme il avait pu voir celui de la sienne, mais il était extrêmement pudique et timide. Que Dieu le pardonne.

Pourtant elle finit par le reconnaître, et ceci avec un grand sourire que ne vit pas Jonathan. Celui-ci bredouilla quelques excuses inaudibles tandis qu'elle se rhabillait, tout aussi gêné que lui. Des limbes dans lesquels il s'était enfermé, il n'entendit à peine les excuses de Rose. Lentement, il reprit contact avec la réalité et entendit les dernières paroles de la jeune femme. Son esprit embrumé pourtant ne savait plus trop quoi dire. Ce fut d'un rapide sourire qu'il répondit, bien que toujours rougeoyant. Se déplaçant rapidement vers la table de nuit, il posa sa croix et son livre sacrée afin d'être libéré d'un peu de poids.

Ce n'est...ce n'est rien...vraiment...prenez ce dont...ce dont vous avez besoin. Oui, il s'agit de ma chambre...vous êtes dans les quartiers du personnel.

Il fut d'abord trop gêné pour se mouvoir, pour faire ce pour quoi il était venu, se reposer. Mais il reprenait calmement le contrôle de ses émotions et finalement, il parvint à retirer la cape qui entourait ses épaules pour la poser sur le lit. Puis soupirant, il se laissa tomber dessus. Qu'avait-il fait pour être aussi épuisé ? Il avait cherché, éperdument fou d'une idée, d'un sentiment. Tout cela le fatiguait plus que tout au monde en réalité.

Excusez-moi, si je peux vous être utile en quoique ce soit, n'hésitez pas à me le dire...

Il la chercha du regard, et remarqua que sa propre chemise lui allait plutôt bien. Offrant un dernier regard, il prit sa Bible et en passa quelques pages en douceur et eut un petit rire.

Les jours passent...je me demande parfois si nous tournons en rond. Mais le Seigneur nous aidera à surmonter cette route sans fin, j'en suis persuadé. Et je suis prêt à aider n'importe qui pour qu'enfin nous puissions voir la Lumière.

Maintenant qu'elle était un peu plus présentable, c'est à dire une jupe longue faite main et la chemise rentrée à l'intérieur pour éviter de paraître trop débrayer, elle se sentait affreusement mal à l'aise. Que n'avait-elle fait encore ?! Et devant un représentant de dieu … En plus si encore elle avait eu quelque chose à montrer … mais là, elle n'avait du que l'effrayer avec son corps des plus repoussant. Et le pauvre prêtre semblait totalement perdu … Stupide Rose

Au moins, à présent elle savait où elle était … Du personnel ? Elle tiqua alors. Cela voudrait-il dire que … Non. Ce n'était pas possible. Jonathan ne pouvait travailler pour le compte de l'homme qui les avait tous enfermés ici. C'était grotesque … Totalement saugrenu ! Comment osait-elle ne serait qu'imaginer cela ? Pourtant, cette idée lui restait en tête. D'une main encore tremblante par le stress et la gêne, elle nota le plus soigneusement possible l'endroit où elle se trouvait sur l'espèce de carte qu'elle avait faite avant de la plier et la ranger soigneusement dans sa besace et reporter son attention sur l'homme.

Réalisant soudainement qu'elle était seule dans une chambre et surtout en présence d'une homme,elle rougit de plus belle. Cela lui rappelait tellement de choses … de sensations. Elle frissonna en cherchant à éloigner sa nuit avec Konrad de son esprit. Et à peine réussit-elle à se débarrasser de cette pensée que vint l'assaillir ce qu'elle avait ressentit lorsqu'elle avait eu l'impression de partager le corps de Jonathan. Devait-elle lui dire qu'elle pensait avoir partagé son intimité ou garder cela au plus profond d'elle-même ? La jeune femme pouvait encore sentir ce sentiment d'être entourée, protégée par une aura lumineuse. Cette sensation de bien-être, de flottement lui manquait … Elle aimerait, ne serait qu'un instant encore, oublier ses démons. Ho bien sur, elle avait pu ressentir la gêne d'avoir certaines choses beaucoup plus encombrantes au niveau de l'entrejambe mais elle essayait d'ignorer cela. Seulement ne garder que le souvenir de paix intérieur qu'avait l'homme.

En pensant à lui, elle l'observa à la dérober. Aujourd'hui, il semblait pas particulièrement en paix avec lui-même. Au contraire, il paraissait terriblement lasse. Timidement, la jeune femme vint s'asseoir à ses côtés sur le lit :

« Je vous retourne vos paroles … Je peux aussi vous laisser vous reposer … Vous semblez tellement fatigué, cela me gêne de vous déranger ainsi. Et je suis tout à fait d'accord avec vous, nous surmonterons tout cela en croyant les uns en les autres, quand il y a de la vie, il y a de l'espoir. »

Elle lui sourit délicatement pour tenter de le réconforter avant de se risquer à lui demander :

« Vous me paraissez pensif, puis-je vous prêter une oreille attentive ou vous apportez mes lumières ? »

Rose hésita un moment avant de baisser la tête et en serrant ses mains lui contre l'autre, mal à l'aise, souffla :

« J'aurai moi-même des choses à vous confesser … Je … j'espère que Dieu m'accordera sa clémence car je ne mérite pas son pardon bien que j'essaye de me racheter une conduite »

Elle se sentait tellement mal de briser ainsi l'image d'innocence qui collait à sa peau... Elle aurait réellement aimer être cette personne mais ... c'était impossible maintenant même en expiant cent fois ses fautes.

Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Voilà des paroles bien lumineuses que Jonathan apprécia beaucoup, lui apportant un sourire sur sa figure fatiguée. Lui qui avait la réputation d'être l'optimisme incarné, il était tellement rare que des réflexions pessimistes lui viennent. Généralement, quand il lui prenait cette soudaine envie d'être sombre, personne n'était avec lui pour l'aider à revoir le monde sous la lumière divine et clairvoyante qu'il avait l'habitude de percevoir. Et les rares personnes pouvant être avec lui à ce moment là, n'avaient aucunement cette envie de le voir remonter la pente.

Un asile rempli des pessimistes les plus sombres, voilà où il avait parfois l'impression de se trouver. Mais cette jeune femme qui s'était assise à côté de lui était bien différente. Elle lui apportait de la lumière au lieu de le descendre dans les ténèbres. Une bonne humeur qui était tellement agréable à sentir contre son coeur. Jonathan reprit des couleurs, suite à toutes les étapes par lesquelles il était passé en découvrant Rose dans sa chambre, du rouge au blanc. La question suivante lui fit tourner la tête vers elle, doucement, avec un sourire. Lui, pensif ? Bien évidemment. Tant de mystères ici parraissaient parfaitement hors de contrôle du Tout Puissant.  Pourquoi autoriser tant de violence ? Est-ce que nous étions dans le Purgatoire avant le Jugement Dernier ? Jonathan l'ignorait, mais ne cessait d'y penser, même durant ses prières.

Si votre âme souhaite réellement se repentir, Dieu vous pardonnera. Car Il n'est qu'Amour et le Pardon est dans tous Ces commandements les plus précieux.

Il posa sa main sur son épaule, souhaitant tellement lui communiquer la douceur qui manquait à ce sombre environnement fait de ténèbres et de vieillesse. Prenant alors sa Croix sur la table de nuit, il caressa l'endroit où se croisait les bois. L'endroit où se trouvait le coeur cruxifié de Jésus. Puis il récita ce verset de la Bible qu'il connaissait par coeur.

"...Vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ. Devenez donc les imitateurs de Dieu..." Ephésiens, 4:32 – 5:1...je sais qu'il peut paraître étrange de vouloir s'approprier un pouvoir de Dieu tel que le pardon. Mais croyez moi, Il n'est pas souffrance qui ne puisse se racheter.

Il soupira. Et ses péchés à lui ? Seront-ils expiés comme ceux du plus simple des croyants ? Il ignorait comment. Se donnant le beau rôle pour apprendre aux autres à se pardonner, il n'était pas plus capable de le faire sur lui même que pour un poisson de grimper à un arbre.

Et si...si nous nous confessions mutuellement ? Cela nous permettrait de mieux nous connaître et de, peut-être, mieux nous soutenir dans cet endroit...Dieu n'a pas voulu que l'Être Humain soit seul pour affronter ses démons, bien qu'il y soit très souvent confronter seul...

Sa voix se perdait au fur et à mesure de ses phrases dans une sorte de réflexion personnelle où ses échos ne devenaient plus que des murmures. Il secoua donc sa tête et regarda Rose:

Lequel de nous deux devraient commencer...? Les règles voudraient que ce soit les dames d'abord. La galanterie...tout ça...excusez-moi, je suis un petit peu ignorant des choses de la société...

Il se mit à rougir, se souvenant effectivement qu'il ne quittait que très peu son église pasteural, ne rejoignant son chez-lui que le soir pour retrouver sa femme. Sa femme...son sourire se perdit peu à peu, songeant à tout ce qu'il s'était passé, ainsi qu'à la scientifique rousse. Puis il se reprit à nouveau. Décidément, qu'il pouvait être dissipé en ce moment. Jonathan sourit donc avec une grande douceur à Rose, une certaine même candeur dans les yeux. Cette émotion n'avait pu être atteinte qu'en mettant de côté toutes ces choses qui lui tourmentaient l'esprit. Une certaine force de concentration qui était assez étrange quand on songeait à la volatilité du jeune homme. Mais qui n'était accessible que grâce à sa croyance inébranlable en sa Foi.

Plus le silence s’épaississait et plus Rose se disait que ce n’était finalement pas du tout une bonne idée de se confier au prête. Elle n’avait pas envie d’être mal vue … Rien que d’imaginer les différentes –et pire- réactions possibles, elle avait des tremblements dû au stress. Pourtant, elle sentait qu’elle en avait besoin, que si ça ne sortait pas, elle risquait de faire quelque chose qu’elle regretterait. Par exemple, le dire à la mauvaise personne, au mauvais moment. Et puis elle ne supportait plus ses images. Si cela pouvait cesser ou au moins que Jonathan arrive à apaiser sa douleur alors ce serait mieux que rien. Elle aussi avait le droit d’être un peu soignée même si ce n’était qu’une douleur psychique.

La main de Jonathan sur son épaule la fit sursauter et elle ne put s’empêcher de rougir même si ce n’était qu’un geste amical. Généralement, peu de personne osait la toucher. Oh qu’elle aimerait croire en ses douces paroles ! Pourtant elle avait eu beau prier, invoquer tous les saints, se repentir, sauver des vies pour celles prises et surtout, boire l’amnésia, les images étaient restées, pire encore que dans la réalité.

La proposition de l’homme de Foi l’a surprire. Alors même lui avait fait des choses dont il n’était pas fier ? Lui aussi n’était pas aussi innocent qu’il n’y paraissait. L’ex infirmière s’en sentait quelque peu rassurer et hocha la tête :

« C’est une … bonne idée je crois. J’espère que cela apaisera nos tourments à tous deux. J-je vais commencer alors. E-enfin e-essayer … »

Sa voix tremblait légèrement dû à l’émotion qu’elle ne ressentait rien qu’à penser à son atroce acte de barbarie. Sans en avoir réellement conscience, sa main partit à la rencontre de celle de Jonathan et la serra, comme s’il pouvait lui donner la force d’affronter ses crimes :

« Je ne me souviens de rien de ma vie passée. Il semblerait que j’étais infirmière ou quelque chose de ressemblant. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je me revois marcher dans la rue. Il fait sombre. La … La rue est mal éclairée. Je suis suivie. J’ai une impression de déjà vu, cela ne devait pas être la … la première fois. Je me vois ensuite dans un cul de sac … Ils sont plusieurs, trois peut être. Ensuite j’ai un trou noir et qu-quand je reprends m-mes esprits, i-ils … Ils sont l-là, in-inerte. »

La jeune femme était parcouru de spasmes et des larmes roulaient sur ses joues jusqu’à ses lèvres desséchées. Sa voix se brisait alors qu’elle revivait une fois de plus les évènements de cette fatale nuit :

« I-il y a du s-sang… du sang partout. M-même sur moi. Su-sur mes m-mains. Et surtout sur, sur une b-barre en métal que … que j-je tiens. Je … J’ai … Je les ai tué … J’ai tué deux hommes … »

Elle n’en supporta pas plus et fondit en larme sur l’épaule du pasteur :

« Ca me poursuit ! Je n’ai aucun autre souvenir que cette nuit ! Inlassablement les mêmes images, m’empêchant de dormir. Je ne peux pas les effacer et j’ai beau essayé de me racheter, elles ne disparaissent pas, jamais ! Je ne sais plus quoi faire. J’aimerai oublier une bonne fois pour toute ou alors que ses souvenirs cessent de me torturer l’espace d’un moment. Juste un peu de répit, je vous en conjure … »

Elle apparaissait pour la première comme celle qu’elle était vraiment : une femme blessée qui essaye tant bien que mal de se guérir avec ses maigres ressources.

Jonathan conservait son sourire sur la jeune femme, croyant en sa douceur et sa gentillesse. Il y avait quelque chose qui ne mentait pas dans son regard. Toute personne peut être lu à travers les pupilles de ses yeux. En bien ou en mal. Le pasteur ne pouvait lire de la méchanceté dans ce regard-là. C'était impossible. Avec un silence des plus respectueux, il resta assis sur ce lit et l'écouta. Son sourire disparut petit à petit lorsqu'il entendit toute la confession de la jeune femme qui finit en larmes sur ses épaules. Calmement, le visage tout contrit, il passa un bras autour de ses épaules et ne put rien trouver de plus réconfortant que caresser doucement cette même épaule. La détresse de cette demoiselle était si terrifiante tant elle était réelle. Mais Jonathan était persuadé que tout ceci ne pouvait être de sa faute. Et quand bien même cela l'était...voyons, une telle situation ne pouvait être que de la défense. Il était idiot de penser autrement. En tout cas, c'est ce qu'il pensait. Tu ne tueras point. Mais était-il noté quelque part dans la Bible que l'on n'avait pas le droit de défigurer un cadavre ? Il soupira doucement et serra bien Rose contre lui. La Bible dit-elle si on a le droit de tuer pour se défendre ? Les souvenirs des écrits disparaissaient au fur et à mesure qu'il essayait de s'en souvenir. Doucement, il lui murmura d'une tendre voix:

"Ce n'était pas votre faute...ce que vous m'indiquez ici comme étant un souvenir...c'est...Peut-être que c'était vous ou eux. Qui c'est ce qu'ils vous auraient fait si vous ne les aviez pas...enfin voilà..."

Les larmes lui venaient presque au visage. Il n'aimait pas voir les gens pleurer et encore moins les femmes. C'était une chose qu'il ne supportait pas. Il se souvenait d'ailleurs d'une fois dans la rue où il avait vu une femme être agressé dans la rue. Cela devait bien être la seule fois dans sa vie où il avait été un tant soit peu viril. Calmement, il enleva quelques mèches du visage de Rose et fit:

"Le Seigneur est toute misércorde envers ses enfants. Il sait combien la Vie sur sa Terre est difficile. Il nous a donné des règles à suivre pour que nous soyons en paix avec nous-même et Lui. Mais parfois, certaines personnes n'obéissent pas et commettent des actes contre le Seigneur. Cependant, Il est généreux et comprend que tant de règles peuvent être parfois difficile à suivre. Oh s'il vous plait mademoiselle Rose, sachez qu'Il vous pardonnera si vous apprenez tout d'abord à vous pardonner. Je ne veux pas remettre ceci sur le tapis mais...je ne peux m'empêcher de frissonner de dégoût à l'idée que vous ayez pu être mis au pied du mur par des inconnus qui auraient pu...vous tuer, vous violenter, pire encore..."

Il tenta de lui sourire avec toute la douceur du monde, bien que cela devait être un souvenir très difficile à revivre. Il se souvenait lui-même de la fois où il avait essayé de se confesser à David. Cela n'avait rien changé à son coeur. Il se sentait toujours coupable. Mais s'il pouvait aider cette jeune femme, Dieu qu'il aimerait l'aider oui, alors peut-être qu'il pourrait soigner sa propre âme.

"Pardonnez-vous...Si ce que vous dites est vrai, vous êtes infirmière. Une infirmière ne fait pas le mal, elle soigne les gens, prévient les maladies et accompagne les corps jusqu'à la guérison. Vous n'êtes pas une mauvaise personne, croyez-moi..."

Au fur et à mesure de son discours, et bien que ses yeux s'emplissaient de larmes, elle avait bien vu le sourire du pasteur disparaître petit à petit. Alors lui aussi était déçu, choqué ? Elle l'avait déçu, c'était certain ! O comme elle s'en voulait et comme cela la rongeait un peu plus.
La jeune femme frissonna quand il passa son bras autour d'elle, l'attirant à lui dans un geste protecteur et réconfortant. Cela voulait-il dire qu'il ne lui en voulait pas ? De tout façon, elle était pas tellement en état de réfléchir à la question, parcouru de sanglots dans ses bras. Elle voulait juste rester près de lui, partager un peu de sa lumière, de la protection du seigneur, de la chaleur réconfortant de son corps contre le sien qui permettait de lutter contre les ténèbres du manoir et la folie.

Elle écouta le pasteur avec attention et se sentit légèrement soulager par ses paroles … Ce n'était pas comme si elle se l'était répété un nombre incalculable de fois mais l'entendre dire par quelqu'un d'autre, -Jonathan en plus !-, cela avait plus d'impact que se seriner elle-même. Mais il n'existait aucune  preuve que ce qui s'était passé n'était que de la défense. Et si elle était vraiment quelqu'un avec un mauvais fond ?  Mais le jeune homme semblait ne pas supporter l'idée qu'elle se flagelle un peu plus. Elle essuya d'un revers de manche ses larmes avant de relever la tête vers lui qui venait de dégager quelques mèches de cheveux. Avait-il conscience d'à quel point ses mots se transformaient en force pour la jeune femme, de comment sa présence était rassurante comme pourrait l'être celle d'un père.

Rose se forca à répondre à son sourire et répondit, la voix encore un peu cassée par les larmes et les souvenirs douloureux :

« Mais je suis là … Et je compte aider les personnes de ce manoir. Parce que c'est le rôle que m'a confié le Seigneur. Je ne fuirais plus. Je ne peux vous promettre que je me pardonnerais car … ces gens avaient une famille, des amies, que j'ai fait souffrir et une vie que j'ai achevé. Je suis responsable de cela … Mais je continuerai à faire voir à Notre Père que je me repentie. »

Et puis on oublie pas l'odeur du sang, sa vue, la sensation que cela te procure de sentir des os se briser et la vie quittée peu à peu un corps mais surtout, surtout, on oublie pas le sang qui colle à ses doigts, à sa peau. Elle reposa sa tête contre l'épaule du jeune homme et ferma les yeux, essayant de les chasser pour se souvenir de choses plus joyeuses mais :

« C'est horrible … Je n'ai aucune souvenir joyeux. Il n'y a que ce manoir et ...c-cette nuit. Même si je veux me changer les idées, cela reste sombre. C'était stupide de vouloir effacer ma mémoire ... »

Pendant un moment encore, elle resta silencieuse, calmant ses sanglots et sa peine. Une fois que l'infirmière se sentit mieux, elle se redressa doucement, remettant de l'ordre dans ses cheveux et eut un petit rire :

« Je dois avoir une tête affreuse mais qu'importe, à vous maintenant ... »

Rose prie délicatement entre ses mains l'une des main du pasteur pour le rassurer et lui sourit pour l'encourager. Si elle avait réussi à lui faire peur de ses inquiétudes, il n'y avait pas de raison qu'il n'y arrive pas.

Jonathan la regarda avec un sourire qui revenait petit à petit sur son visage. Sa détermination à aider les autres lui faisait tellement plaisir. Il n'y avait rien de plus beau qu'une âme douce et délicate qui s'élevait au courage. La volonté d'une ange presque divine. Il resta calmement à atteindre qu'elle termine de parler, qu'elle se sente définitivement bien. C'est alors que la tête de Rose se posa sur son épaule. Jonathan frissonna terriblement, peu habitué à un tel contact. Gêné, ses joues devinrent rapidement rougeâtres. Bien évidemment, c'était un contact agréable. Mais si étrange. Le pasteur sentit ses membres se raidir, lentement, mais toujours avec cet étrange picotement. Sa salive disparaissait de sa bouche et c'était à peine s'il pouvait dire quoique ce soit. Aussi se tut-il lorsqu'elle termina de parler. Songeant à la bêtise qu'à été la disparition de sa mémoire. Jonathan en profita pour essayer de réfléchir à ses paroles et ne plus penser à son contact. Oublier. C'est une chose qu'il avait voulu pendant tellement de temps. Attendant calmement que la jeune femme se sente mieux, il laissa son épaule à sa disposition. D'ordinaire, aucun contact de ce genre n'était autorisé. Ce n'était pas pour rien qu'il existait des confessionnals coincés dans le noir. Lorsqu'enfin elle se redressa, elle murmura une petite parole qui fit sourire Jonathan:

Voyons, ne dites pas ça...les larmes sont la libération. Vous êtes forcément plus belle.

Rose prit alors sa main et Jonathan déglutit péniblement. C'était à son tour. Son tour d'être celui qui s'avouer, qui faisait tomber ses barrières les plus sombres. En avait-il vraiment envie ? De toute façon, il n'était plus temps de faire demi-tour. Aller...quand faut y aller, il faut y aller.

J'ai été marié...à une femme magnifique...je l'aimais plus que tout. Mais elle avait un autre amour avant moi. Un homme qu'elle nommé John Downcry. On a pu vivre en paix pendant quelques années. Et un beau jour cet homme est revenu. Il nous a harcelé, voulait notre mort.

Jonathan soupira lourdement, regardant ses mains, vides de toute alliance. Avec le temps, il pensait avoir fait son deuil. Son nouvel amour pour la scientifique avait tout balayé. Mais tout cela était-il vraiment bien cicatrisé ?

Mais je crois qu'il voulait ma mort. Tant que je vivrai, ma femme n'aurait jamais eu la paix...Nous avons fuis dans toute l'Angleterre. Mais à chaque fois, il revenait. Je crois le voir encore dans certains de mes cauchemars.

La partie la plus délicate était à venir. Jonathan serra la main de Rose, cherchant comme un point d'accroche, de réalité dans ces horribles souvenirs.

Un jour, je nous croyais à l'abri. Une semaine que nous étions dans la ville sans l'avoir vu. Nous espérions l'avoir semé. Ma femme est partie aux marchés. J'ai invité un vieil ami à la maison. Mais c'est à ce moment qu'il est arrivé...qu'il est arrivé...

Il serra son poing libre près de sa bouche, son visage se tordant de tristesse.

J'ai dis à mon ami de se cacher quelque part, n'importe où. Quant à moi, je suis parti dans un placard...un avant-goût d'ici...et Downcry est entré...et...il a tué mon ami. Avant de partir. Je suis sorti et ...et...il était là...mort...je l'avais conduit à sa mort...il...j'ai...j'ai mis mon alliance à son doigt...et j'ai...j'ai défiguré son visage...afin de le faire passer pour moi...

Des larmes se mirent à couler à son tour. Cette brûlure restait toujours empli de néant dans son esprit, rien ne pourrait jamais soigner ce traumatisme. Il tint la main de Rose, refusant qu'elle s'en aille. Une présence. Juste une présence.

Jonathan Raphaël Amen Williams est officiellement mort...vous pourrez retrouver sa tombe dans le cimetière de Londres. J'ai fuis. Je ne sais pas si on pourra un jour saisi la sensation d'assister à son propre enterrement...de voir sa femme et son propre frère pleurer...Excusez-moi..........et quand j'y repense...je me rends compte que ce Downcry ne s'était jamais souvenu de mon visage...je n'étais qu'un insecte à écraser. Il était fils du chef de Scotland Yard...nous n'avons jamais pu porter plainte...